Code Soleil

samedi 2 novembre 2019
par  Liliane CHALON

Le code Soleil était en quelque sorte, ou se devait d’être le code de bonne conduite des enseignants du premier degré.

Dans les années 75 je voulais faire une thèse sur les filles et l’école et je suivais le séminaire de Georges Lapassade à Vincennes. L4idée de la thèse a vite été abandonnée, car de nombreux livres et articles sur cette question ont été publiés à cette époque. Je ne voulais pas courir le risque de faire moins. Parmi mes pistes de travail il y avait une étude du Code Soleil et j’ai eu entre les mains une édition de 1947 sur laquelle j’ai travaillé. Récemment sur Facebook ont été publiés des codes de l’instituteur, j’ai donc recherché et retrouvé ce que j’avais écrit à l’époque. Je n’ai rien modifié, pas ajouté de commentaires , il me semble que ça parle suffisamment !

Le Code Soleil contient : « Tout ce qu’un maître a besoin de savoir sur sa fonction, non seulement ses devoirs d’éducateur mais encore l’ensemble de la législation » « C’est un guide indispensable aux élèves maitres et élèves maitresses des école normales. »

Quelle est l’image de l’institutrice et de l’instituteur qui se dégage de ce texte ? Quels sont les rôles qui leurs sont respectivement attribués ?

Il ne faudrait pas se laisser prendre au piège de la grammaire : « de deux termes, l’un masculin, l’autre féminin, c’est le masculin qui prévaut ». Sous les rubriques : maitre, élève-maitre, instituteur on devrait penser qu’on s’adresse tant aux hommes qu’aux femmes, or il n’en est rien !

Examen linguistique

On trouve, employé au cours des articles qui composent ce Code, les quatre termes : maitre, maitresse, instituteur, institutrice

  • Quand les rédacteurs veulent souligner que ce qu’ils disent est important pour les hommes comme pour les femmes, ils précisent les deux termes coordonnés : masculin et féminin Dans l’exergue : « guide indispensable pour les élèves-maitres et élèves- maitresses » § 61 : « Les instituteurs et les institutrices non retenus par des soucis familiaux » § 77 : « Les élèves maitres et les élèves maitresses préparent le bac à l’EN comme leurs camarades de lycée »
  • Masculin ou féminin Devoirs envers les élèves : « Quand le maitre ou la maitresse ont su se faire aimer » § 86 : « Quand la situation d’un instituteur ou d’une institutrice risque de devenir difficile »
  • Masculin juxtaposé au féminin Dans la conclusion : « Jeunes instituteurs, jeunes institutrices »

Il est extrêmement rare en effet que le terme maitre ou instituteur soit employé comme terme générique neutre. On le trouve en introduction ; « Tout ce qu’un maitre a besoin de savoir », ou bien on lui substitue le terme « éducateur » qui reprend maitre ou maitresse : « l’éducateur n’est pas le distributeur de connaissance »

Une seule fois le choix est fait de l’institutrice au § 90 comme exemple de formule administrative : « Melle Jeanne Durand » A noter le Melle et non Madame, à croire que le célibat est inhérent à la fonction d’institutrice !

Le choix des termes est donc important : le masculin pour les hommes seulement. Les paragraphes commencent généralement par le masculin et ce qui suit ne laisse aucun doute, c’est bien aux hommes que l’on s’adresse, suivi généralement par un paragraphe à destination de l’institutrice, introduit par : « surtout », « aussi », « de son côté ». Nous verrons ci-dessous qu’il s’agit de tâches annexes qui lui sont proposées.

Une seule exception pour le chapitre « santé », dans lequel sont exposées les tâches de l’institutrice maternelle.

Certaines formules ou titres de paragraphes sont sans ambiguïté : « Soyez des hommes ! » « Reconnaitre que l’instituteur est un brave homme », « Vous êtes le suppléant du père de famille », « Un conseiller autorisé et écouté des parents », « l’instituteur ne peut pas être l’homme dans la main d’un parti »

Contenu et distribution des rôles

On peut se demander si ce guide s’adresse réellement aux institutrices ; bien peu de paragraphes concernent les femmes, l’essentiel des tâches étant proposées aux hommes.

L’instituteur Devra organiser la cantine, pourra être secrétaire de mairie, conseiller communal Il devra avoir un rôle dans la cité en sachant se tenir au-dessus des dissentiments afin de rapprocher la population. « Il sera alors comme un sage, un brave homme qui accomplit bien son devoir »

L’institutrice

S’il est conseillé à l’institutrice de faire de sa vie privée, l’illustration des leçons d morale qu’elle donne à l’école, l’institutrice aura surtout à se surveiller. Dans sa mission n’entre point d’activité politique ; sa place au village ? Y faire l’éducation du bon goût ! Ses occupations ? De fréquentes promenades, mais qu’elle n’en abuse pas. Ses loisirs ? La lecture, l’étude, la culture personnelle. De ses rapports avec les autorités locales, il n’est point question ! Ce serait sans doute inconvenant. Ce n’est pas de notables qu’elle doit s’entourer mais de jeunes filles et avec elles créer un foyer post-scolaire, où elle les initiera à des travaux d’art d’utilité ou d’agrément (ce qui en clair désigne : tricot, broderie, couture). Voilà qui comblera ses moments de solitude ! Point d’oisiveté pour l’institutrice !

D’autant que les tâches ne s’arrêtent pas là ! Toujours avec les anciennes élèves, elle organisera un ouvroir-vestiaire qui fournira des lainages aux plus déshérités. ( Peut-être en bonne dame patronnesse les aura-t-elle tricotés elle-même avec l’aide d’autres jeunes filles !)

L’instituteur se charge de la nourriture, l’institutrice de la vêture !

Son autorité à elle, c’est sur les mères de famille qu’elle l’acquerra…. Ce n’est pas pour rien qu’est ainsi défini son rôle : « La valeur de l’institutrice maternelle ne se mesure pas au nombre de connaissances communiquées, mais plutôt à la sollicitude manifestée à propos de la santé et du bien-être des enfants, soins d’aération, d’alimentation, de propreté, de prophylaxie »

A l’école elle remplace la mère de famille, en dehors de l’école , elle est dans les bonnes œuvres…..


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